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Comment observer les papillons de nuit ?
Partie 1

L'observation des papillons de nuit est un passe temps passionnant qui peut vite devenir addictif. Outre les problèmes d'identification, j'ai mis longtemps avant de m'y mettre car je ne savais pas quel matériel utiliser ni où le trouver. Avec internet, il est aujourd'hui très facile de s'équiper. Je ne vais pas présenter de manière exhaustive toutes les méthodes possibles pour observer les papillons de nuit, mais simplement présenter mon matériel et les méthodes que j'utilise en commentant leur efficacité. Je discuterai également de quand et où observer les papillons de nuit et quels facteurs favorisent ou contrarient leur observation.

Sommaire

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Figure 1 : Ambiance nocturne en Forêt domaniale de Mormal autour de mon phare-pyramide et de sa LepiLED !

L'attraction lumineuse

La première méthode et probablement la plus connue du public est l'attraction lumineuse. Il est établi que la lumière, en particulier ultra-violette, attire les papillons. La raison de cette attraction n'est pas totalement comprise mais elle est efficace sur beaucoup d'espèces. Il existe un grand nombre de lampes conçues spécialement (ou non) pour attirer les papillons. L'objet n'est pas de présenter l'ensemble des lampes existant, mais des modèles les plus intéressants ou les plus fréquemment utilisés.

Les lampes

De l'Antiquité au XXe siècle...

On imagine souvent que l'utilisation de la lumière est une technique récente, notamment dans l'étude des papillons nocturnes. En fait il n'en est rien. Les techniques utilisées ont certes, énormément progressé ces dernières décennies, mais on a des preuves de l'utilisation de la lumière pour attirer des papillons nocturnes au Moyen-Âge et même au premier siècle après Jésus-Christ. Il ne s'agissait alors pas d'étudier les papillons mais de détruire des espèces considérées comme ravageuses. Le premier à mentionner l'utilisation de pièges lumineux pour papillons de nuit est Columelle (Lucius Iunius Moderatus Columella de son nom complet) dans son traité "De Re Rustica" écrit entre 60 et 65, suivi de peu par Pline l'Ancien (Gaius Plinius Secundus) en 77 dans son oeuvre Histoire Naturelle (Beavis, 1995). Dans son traité sur l'agriculture dans l'Empire Romain, Columelle décrit un piège en étain équipé d'une flamme pour détruire des teignes des ruches et protéger les abeilles. Cette technique est reprise dans les ouvrages sur l'apiculture à partir du XVIème siècle (Gardiner, 1995).

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Figure 2 : Statue of Columella, Plaza de las Flores, Cádiz.

A partir du XIXème siècle, les developpements technologiques ont fourni aux entomologistes des lampes portables plus sophistiquées et plus efficaces, telles que les lampes à acétylène, les lampes Coleman (pétrole) et les lampes Tilley (pétrole). Cependant, le piégeage lumineux ne s'est vraiment démocratisé qu'avec le développement des éclairages électriques et des sources d'électricité.

Les Lampes à vapeur de mercure

Jusqu'à récemment, le type de lampe qui fournit le plus gros rendement, tant en nombre d'individus qu'en nombre d'espèces attirées par nuit d'observation, était la lampe à vapeur de mercure. Elle existe en différentes puissances de 80, 125W, 160W, 250W et même 400W. Il existe des modèles qui se branchent sur ballast et d'autres qui se branchent directement sur la prise de courant. Ce dernier type a l'inconvénient de fortement chauffer et d'exploser au moindre contact avec la pluie, tandis que les premières sont plus résistantes. Dans tous les cas, ballast ou pas, les lampes à vapeur de mercure nécessitent une source d'électricité en 220V et sont très gourmandes en énergie compte tenu de leur puissance. Elles nécessitent donc soit de rester à proximité d'habitations, soit d'utiliser un groupe électrogène. Je n'ai jamais franchi le cap de m'équiper d'un groupe électrogène en raison du prix (en particulier si on veut de la qualité), du bruit du moteur et du poids de l'ensemble. En accompagnant diverses personnes utilisant ce type de matériel, j'ai pu constater que les pannes sont fréquentes... J'ai toutefois une lampe à vapeur de mercure de 160W que je n'ai que très peu utilisée.

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Figure 3 : Lampe à vapeur de mercure 125W dans le Phare-Pyramide.

Il est important de savoir que les lampes à vapeur de mercure sont interdites de fabrication et d'importation dans l'Union Européenne depuis 2015. Les magasins qui en proposaient à la vente avant l'interdiction ont néanmoins le droit de vendre leur stock restant. Il est donc encore possible d'en trouver. Dans quelques années, il faudra toutefois passer à un autre type de lampe car les stockes ne sont pas infinis. De plus, les prix de vente des lampes ont plus que doublé suite à l'interdiction.

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Les Tubes fluorescents (actiniques et lumière noire)

Pendant plusieurs années, je me suis contenté d'utiliser des tubes fluorescents de 8W. J'en utilisais deux types différents qui émettent tous deux des UV-A : tube actinique (couleur bleue peu discrète la nuit) et tube dit "lumière noire" (couleur noire lorsqu'il est éteint, bleu sombre lorsqu'il est allumé). Ils existent en différentes puissances de 6 à 40W (tubes linéaires ou circulaires). L'efficacité des tubes de 6, 8 et 15W est assez similaire. Ils se branchent via un petit montage électronique sur une batterie 12V continu. Lors de l'utilisation d'un tube de 8W, une batterie de 12V et 7Ah (environ 2,5kg) assure une autonomie de 8-9 heures (théoriquement 10h30 avant décharge complète). Je conseille de retirer les protections étanches (en plastique transparent) des tubes fournies avec certains kits de branchement du commerce, car elles jaunissent en quelques années et je les soupçonne de bloquer au moins une partie du rayonnement UV. Il est possible de remplacer les branchements par des douilles étanches vendues dans les commerces aquariophiles et de mettre le système électronique dans un petit boîtier étanche. Les tubes restent alors nus et on profite de la totalité de leur rayonnement. Les montages du commerce coûtent souvent cher. Si vous avez l'âme d'un électronicien, vous pouvez réaliser le montage électronique vous même. Il en existe plusieurs montages différents publiés sur internet. Un exemple de circuit électronique est disponible ici. En cherchant sur les sites d'annonce, il est parfois possible de trouver des circuits tout fait pour une somme modique (chercher les kits pour tubes fluorescents 12V pour camping car).

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Figure 4 : Mon duo tube actinique 8W (bleu clair) et tube lumière noire 8W (sombre).

Au départ, j'utilisais un seul tube actinique de 8W. Au bout d'un an, je l'ai combiné avec un tube "lumière noire" de 8W. Cependant, je ne saurai dire si l'utilisation couplée d'un tube lumière noire et d'un tube actinique augmente le rendement. L'ensemble était branché sur une batterie 12v, 7Ah (environ 2,5kg) si je ne reste que 4 ou 5 heures (autonomie de 5h30 avant décharge complète) ou sur une batterie de 12V, 12Ah (4kg) si je décide de passer la nuit complète (autonomie de 9h avant décharge complète).

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Figure 5 : Tubes "lumière noire" (=Blacklight, en haut) et actinique (en bas), éteints (haut) et allumés (bas).

Le rendement des tubes actiniques 8W atteint généralement moins de 50% d'une lampe à vapeur de mercure de 125W, mais ce système a l'avantage d'être très facilement transportable n'importe où, y compris au fin fond de la forêt amazonienne ou en haute montagne, et d'être totalement silencieux. Je peux donc entendre tout ce qui se passe autour de moi (passage de chevreuil, activités des petits mammifères tels que hérissons, fouines, rongeurs, etc..., chant des chouettes et hiboux, du rossignol, etc...) et il m'est même arrivé une fois de recevoir la visite d'un chevreuil curieux à une distance de seulement 4m, qui se demandait ce que pouvait donc être cette lumière bleue... Le plus faible rendement des tubes actiniques ne les disqualifie absolument pas face à d'autres lampes à plus fort rendement (lampes à vapeur de mercure ou LepiLED, voir plus bas) car ils n'attirent pas exactement les mêmes espèces ni les mêmes individus. Les deux sources d'éclairages sont donc complémentaires.

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Les Lampes fluoro-compactes (actiniques et lumière noire)

Il y a quelques années, je suis devenu un fervent utilisateur des lampes fluorocompactes (CFL). On peut utiliser les modèles actiniques ou lumière noire d'une puissance de 15 à 25W. L'utilisation d'un convertisseur 12V continu vers 220V alternatif permet de les utiliser sur batterie. J'ai utilisé des lampes Wemlite CFL BL350 de 20W pendant plusieurs annnées avec de très bons résultats. D'un point de vue luminosité, elles n'ont rien à voir avec les tubes actiniques de 8W et sont comparables à une lampe à vapeur de mercure de 80W je pense. Je dirai que l'efficacité des CFL est inférieure à celle des lampes à vapeur de mercure de 160W en terme de nombre d'individus (30-50% de moins), mais seulement un peu inférieure en terme de nombre d'espèces (peut-être 10-20% de moins). Cependant, la comparaison des deux types de lampes est difficile à mesurer expérimentalement car lorsqu'elles sont utilisées côte à côte, la lampe à vapeur de mercure va attirer quasiment tous les individus (biais artificiel dans les différences observées entre les lampes du fait de la mise en compétition).

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Figure 6 : Lampe fluoro-compacte actinique de 20W dans sa protection (métallique, avec un filet en tulle pour empêcher les petits insectes de se coincer dans la lampe.

Le plus gros problème de ce type de lampes est qu'elles sont très sensibles aux chocs et des problèmes peuvent être rencontrés ne serait ce que pour les recevoir par la Poste. A ce niveau, je conseille les lampes de marque Wemlite car l'emballage ne permet pas à la lampe de bouger à l'intérieur de leur boîte et elles sont donc bien mieux protégées. Lors de leur utilisation sur le terrain, je conseille fortement de les protéger avec une protection solide. Pour cela, j'ai détourné un distributeur en métal de boules de graines pour oiseaux de son utilisation initiale. J'ai découpé le fond pour y fixer une douille E27 à la place. La lampe est alors parfaitement protégée des chocs. Cependant, en cas de chute (notamment de mon phare-pyramide, voir plus bas, en cas de fortes rafales de vent), la lampe casse assez facilement. A raison de 40 à 50 nocturnes par an, j'en cassais en moyenne une par an. Il est aussi utile d'entourer la lampe d'un filet en tulle pour éviter que des insectes se coincent entre les tubes de la lampe et y cuisent.

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Les tubes synergetic

Il y a quelques années, un nouveau type de tube prometteur a été mis sur le marché : les tubes synergetic. Ce sont des tubes actiniques spécialement conçus pour les pièges lumineux à insectes. Leur originalité vient du fait qu'ils sont verts et non pas bleus lorsqu'ils sont allumés. Je n'en possède pas mais j'ai pu constater leur efficacité remarquable. Il semble que certains Anglais les considèrent comme plus efficaces que les lampes à vapeur de mercure. Ils existent en plusieurs puissances mais la plus couramment utilisée pour les papillons semble être le tube circulaire de 22W. Le mode de fonctionnement est le même que les tubes actiniques normaux et il est possible d'acheter des kits complets à brancher sur batterie 12V pour pas trop cher.

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Figure 7 : Tube circulaire Synergetic 22W dans un piège Tavoillot. Contrairement aux tubes actiniques classiques, il émet une lumière verte.

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Comment observer les papillons de nuit ?
Partie 2 (lampes, suite)